jeudi 10 décembre 2009

Transports urbains

La qualité du système de transports influence largement le développement économique et social des villes, où la mobilité est plus importante : si la moyenne française est de 3 déplacements par jour et par personne, ceux-ci montent en effet à 3,5 en Ile-de-France. Ces trajets s'effectuent sur des distances relativement importantes, qui varient en fonction de la taille de l'agglomération, de sa densité mais aussi de leur motif. En effet, les déplacements domicile-travail sont plus étendus. Ils représentent toutefois une part de moins en moins importante des déplacements (1/3 de ceux-ci à Lille métropole en 2006). Dès lors, la mobilité urbaine devient moins prévisible : elle est toujours rythmée par des heures de pointe en matinée et en soirée, mais la demande se dilate sur une plus grande partie de la journée, y compris pendant la nuit. Quant au transport de marchandises, qui représente 1/5 des déplacements-km en France, il se trouve de plus en plus soumis à la contrainte du juste-à-temps qui, si elle diminue les stocks, a pour effet de multiplier les trajets.

Il existe une corrélation entre le niveau de mobilité et les revenus

Peut-on satisfaire l'ensemble de la demande ? La réponse est évidemment non, et pour plusieurs raisons. Ces déplacements ont tout d'abord un coût direct important lorsqu'ils sont motorisés, lié à l'investissement initial, à l'entretien et à l'alimentation en énergie. Leur sur-utilisation entraîne ensuite de nombreux coûts indirects, que les autorités publiques tentent de mesurer à l'aide de barèmes détaillés (1) :
  • la pollution atmosphérique est le fait de de nombreuses susbstances, parmi lesquelles l'oxyde d'azote (Nox), le monoxyde de carbone (CO), l'ozone, le dioxyde de soufre (SO2) ou les particules en suspension. Entre 3 et 5% des décès pourraient leur être attribués en France (Afsse, 2004).
  • le bruit, facteur de stress, est de plus en plus pris en compte par les autorités des pays industrialisés. Dans ces derniers, près de 20% des habitants seraient exposé à un niveau sonore dépassant les 65 dB en façade, correspondant à la limite de confort de jour.
  • les gaz à effets de serre - les transports urbains représentent plus de 10% des émissions de CO2.
  • la sécurité routière - les accidents provoquent chaque année dans le monde plus d'1 million de décès et entre 20 et 50 millions de traumatismes. 90% d'entre eux surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui ne détiennent pourtant que la moitié du parc automobile. D'ici 2030, ils pourraient représenter la cinquième cause de décès au monde (OMS, 2009).
  • l'occupation de l'espace - la voirie représente entre 15 et 20% de la superficie des villes des pays industrialisés. Le transport routier, à travers les routes et les places de stationnement, est en effet très consommateur d'espace : à elles seules, les places de stationnement représentent 20% de la superficie de la voirie à Paris (Aubert, 2000) : le nombre de place de stationnement est en effet bien souvent supérieur à celui des voitures (1,7 place de stationnement pour une voiture en Ile-de-France). De plus, les embouteillages susceptibles de naître de l'inadéquation entre le taux de motorisation et la voirie engendrent des pertes économiques importantes.
Il importe donc de trouver un délicat équilibre entre un objectif économique, qui est la maîtrise des coûts directs et indirects, et un objectif social, qui est de permettre l'accès à tous aux transports (2). Le choix de tel ou tel mode de transport est à cet égard très important.

Part modale des déplacements urbains sur les différents continents. Source : ONU, 2003

Emissions de CO2 en g par passager selon le mode de transport

La majorité des déplacements est accomplie au moyen des modes de transport individuels motorisés. Bien que coûteux, ils offrent de souplesse au niveau des dessertes, offrent un meilleur confort que les transports en commun. Symbole de réussite sociale, la voiture devient accessible à de plus en plus de personnes dans le monde. Le cap du milliard d'automobiles vient ainsi d'être franchi en 2008 et la tendance actuelle amènerait à un doublement du parc en l'espace de cinquante ans. Les 2-roues motorisés sont également massivement employés : il y en aurait 200 millions dans le monde, dont plus de la moitié dans les pays d'Asie en développement (hors Japon), où ils ont permis à moindre coût un accroissement du taux de mobilité.

Le taux de motorisation gagne du terrain dans les pays en développement. Source : IFP

Il existe une grande variété de transports en commun, qui présentent tous l'avantage, sur le plan environnemental, d'économiser l'espace occupé et l'énergie consommée par usager : un métro peut assurer autant de trafic que 30 voies d'autoroutes. En revanche, ils représentent un investissement coûteux, qui ne peut être rentabilisé qu'en zone dense.

ModeCapacité par heure et par sensCoût initial par km (Mn €)
Train de banlieue60 000de 25 à 50
Métrode 30 000 à 50 000de 25 (au sol) à 120 (souterrain)
BRT (2x1 voie)15 000de 1 à 5
Tramwayde 8000 (tram pneu) à 12 000 (tram fer)de 15 à 20

Comme on le voit, le coût de la plupart des transports de grande capacité les destine plutôt aux villes riches. Il existe cependant des alternatives à bas coût, dont le Bus à Haut Niveau de Service (Bus Rapid Transit), mis en place pour la première fois à Curitiba, constitue probablement l'exemple le plus éclatant. Il a permis d'obtenir dans cette dernière ville un niveau de maillage très élevé pour les transports collectifs en site propre : 160 km de ligne par million d'habitant, contre 100 à Paris ou 40 à Séoul. Cependant, dans la plupart des villes, et notamment des villes du Sud, le transport collectif reste majoritairement assuré par des bus traditionnels et des minibus, dont la capacité et les nuisances environnementales se rapprochent des véhicules individuels.

Une station du BHNS de Curitiba - Source : PB Works




La marche, le vélo et les autres modes de transports "doux" sont en cours de réhabilitation dans les pays industriels. Peu gourmands en énergie, peu coûteux, ils peuvent compléter efficacement les autres modes pour des courts trajets. Dans les villes en développement, ils représentent une part importante des déplacements pour les longues distances : il n'est pas rare d'y marcher jusqu'à deux heures.

Malgré l'existence de solutions techniques à bas coût, c'est en effet du financement que dépend la qualité et la variété des transports urbains. Il s'agit pour une agglomération d'un effort financier important : de l'ordre de 1 et 2% de son produit intérieur brut. Les subventions de l'Etat central, voire les prêts des bailleurs internationaux (BIRD, BJCI...) et les Mécanismes de développement propre, permettent de soulager le budget local. Le montage de partenariats public-privé permet également de diminuer le coût de l'investissement initial et de l'exploitation : la ligne 4 du métro de Sao Paulo a ainsi été financée par le secteur privé à hauteur de 20% et a bénéficié de prêts internationaux qui ont couvert près de 2/3 de son coût. De manière générale, il importe que tous les bénéficiaires des transports urbains participent à leur financement :
  • les usagers contribuent aux dépenses de fonctionnement des transports en commun. Ils financent 25% des coûts d'exploitation en France, la moitié de ceux-ci à Hô-Chi-Minh-Ville mais représentent parfois l'unique source de financement de certains modes de transports privés (bus artisanaux...). Outre l'achat de leur véhicule, les usagers des transports routiers peuvent financer ces derniers par le biais de diverses taxes (sur la possession du véhicule, les carburants, péages...).
  • les collectivités (Etat, régions, municipalités) financent généralement les investissements initiaux. Leurs subventions de fonctionnement peuvent compenser les tarifs spéciaux accordés à certaines catégories d'usagers, à éponger les pertes en fin d'exercice mais aussi être calculées à partir d'indicateurs de performance.
  • les bénéficiaires indirects sont tout d'abord les entreprises, qui à défaut d'instaurer leur propre transport, peuvent alimenter le budget public. Le versement-transport assure ainsi près du tiers du financement des transports en France et s'ajoute au remboursement de la moitié du prix de l'abonnement. Un système plus social a été mise en place au Brésil avec le Vale Transporte, sous forme d'aides en-dessous d'un niveau de salaire. Les autorités peuvent également capter une partie de la plus-value foncière réalisée après la construction d'une infrastructure de transport, qui oscille entre 5 et 10% pour les résidences et 10 et 30% pour les commerces. Cela peut passer par l'achat anticipé des terrains, ainsi qu'à Aguas Claras au Brésil, la taxation des plus-values, utilisées pour le tramway de Dublin, ou la création de partenariats public-privé pour l'aménagement des alentours des stations, comme dans le cas de la société MTR à Hong Kong.
Les autorités tentent également de jouer sur la demande de transport, le plus souvent pour favoriser le report des véhicules individuels vers les transports en commun. Des mesures symboliques, telles que les journées sans voitures, sont ainsi l'occasion de modifier les comportements et de tester temporairement l'amélioration du cadre de vie. De nouvelles formes d'usage des véhicules individuels, tel que l'autopartage ou le covoiturage, permettent de limiter leur impact de ces derniers de manière plus pérenne : une voiture en autopartage remplace en effet entre 8 et 10 voitures. Le prix et l'offre en parkings, l'implantation de parc-relais, voire la mise en place de péages urbains, favorisent également le report modal. A Singapour, le renchérissement du péage urbain durant les heures de pointes vise à étaler la demande tout au long de la journée. L'attractivité des transports en commun dépend également beaucoup de leur confort, et de l'intégration tarifaire existant entre les différents modes. Cette dernière rend souvent nécessaire la mise en place d'une autorité organisatrice, responsable de la planification et de la tarification des transports sur une même aire métropolitaine.

(1) à l'image du rapport Boiteux en France. Rapporté au km, le coût de la pollution serait de 0,03 euro pour une voiture particulière et 0,28 euro pour les poids lourds. Celui de l'émission de CO2 serait de 0,007€. Le bruit ferait chuter de 1% la valeur des logements. Le coût de la congestion est estimé à 59 % d'une heure de salaire brut pour une heure passée dans les transports et à 0,45 euro par heure passée dans les transports pour une tonne de marchandise à haute valeur. Enfin, le coût d'une vie humaine est évalué entre 1 et 1,5 million d'euros selon que la victime utilisait une voiture particulière ou les transports en commun. De manière générale, les externalités négatives des transports urbains auraient pour l'Union européenne un coût égal à 1% du PIB.
(2) les ménages ne peuvent assurer leurs dépenses de transport au-delà de 15% de leur budget (source : Banque mondiale)

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Monde - Union internationale des transports publics
Monde - Fédération internationale de la route
Monde - Portail de la Banque mondiale consacré aux transports urbains
Monde - Annuaire de liens du Department for International Development
Monde - Coopération pour le développement et l'amélioration des transports urbains
Monde - Institute for transportation and development policy
Monde - OMS - Rapport sur la sécurité routière - 2009
Monde - IFP - Rapport sur la part modale des transports - 2009
Monde - Blog - The city fix : for sustainable urban transports
Europe - Livre vert : vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine
Europe - Initiative Civitas
France - Groupement des autorités responsables de transport
France - Consultants : Systra - Xelis