vendredi 27 mars 2009

La maîtrise foncière

Les projets d'aménagements peuvent être entravés par le manque de terrains, ainsi que par la spéculation qui les renchérit. L'expropriation et l'exercice du droit de préemption sont les deux procédures utilisées pour faire face à ces obstacles.

L'expropriation pour cause d'utilité publique, dont le statut général est fixé par l'ordonnance du 23 octobre 1958, permet le transfert forcé de la propriété d'un bien contre le versement d'une juste indemnité (1). La décision d'ouvrir l'enquête préalable revient à l'Etat, qui déclare également l'utilité publique de l'expropriation. Les personnes publiques, mais aussi personnes privées partenaires de certains projets d'aménagement, telles que les SEML, sont les titulaire de ce droit. Celui-ci peut être exercé pour un nombre de plus en plus étendu de motifs (article L. 21-1, Code de l'urbanisme), si bien que la jurisprudence retient avant tout des finalités illégitimes : intérêt financier ou intérêt privé exclusif, volonté de faire échec à la chose jugée. Le juge exerce également un contrôle de proportionnalité "maximum", où il met en balance les avantages et les inconvénients de l'opération, en prenant en compte la protection "d'autres intérêts publics" tels que la protection de l'environnement (CE 20 octobre 1972) ou la viabilité économique du projet. L'information du public sur la destination des terrains peut être restreinte, lorsque l'expropriation est réalisée pour la constitution de réserves foncières ou lorsqu'elle bénéficie d'un dossier d'enquête publique sommaire.

(1) celle-ci est toutefois calculée en fonction de la constructibilité du terrain plus que par rapport au prix du marché foncier.

droit de prémption : même de petite surface, les espaces en centre-ville comme celui-ci à Besançon peuvent représenter une opportunité pour les politiques communales (diversification des commerces, de l'habitat...)

Le droit de préemption (2) permet à une personne publique de se porter acquéreur d'un bien après que son propriétaire ait adressé une déclaration d'intention d'aliéner (DIA). Cette procédure a été instituée à titre temporaire dans les ZUP (1958) et dans les ZAD (1962), puis de manière permanente dans les zones d'intervention foncières (ZIF) créées par la loi foncière du 31 décembre 1975. Aujourd'hui, en vertu de la loi aménagement du 18 juillet 1985, les communes dotées d'un PLU opératoire peuvent instituer un droit de préemption urbain (DPU). Celui-ci s'applique aux territoires autrefois couverts par les ZIF et les ZAD. La loi d'orientation sur la ville du 13 juillet 1991 offre cependant à nouveau à l'Etat la possibilité de créer des zones d'aménagement différé (ZAD), qui se substituent au DPU et peuvent, à la différence de ce dernier, être établies dans des zones naturelles. Avant l'établissement d'une ZAD, et afin de bloquer plus efficacement la spéculation, une zone pré-ZAD peut être instituée par le préfet pour une durée maximum de deux ans. Les biens soumis au droit de préemption ont été élargis en 2005 aux fonds artisanaux et de commerce, mais il demeure encore de nombreuses restrictions (3). A l'heure actuelle, le taux de prémption effectif reste faible, aux alentours de 1%, ce qui s'explique par les faibles sommes à disposition des communes.

(2) Le droit de préemption peut être également employé dans les espaces naturels sensibles par les conseils généraux et les parcs naturels à des fins de protection de l'environnement.
(3) parmi les plus importantes, notons celle qui exclut du DPU les immeubles de moins de 10 ans

Des réserves foncières peuvent être constituées par certaines personnes publiques, à savoir l'Etat, les collectivités locales, les syndicats mixtes, les établissements publics d'aménagements et les établissements publics fonciers locaux [4]). Depuis 1983, les communes peuvent bénéficier de prêts dans les conditions du droit commun pour financer leurs acquisitions.

(4) instaurés en 1991 et soutenus par la loi SRU, les EP fonciers locaux peuvent être financés, outre les contributions des communes, par la taxe spéciale d'équipement, la participation à la diversité de l'habitat ainsi que des exonérations fiscales.

vendredi 20 mars 2009

La planification locale

Reprenant une distinction établie par la loi d'orientation foncière de 1967, la loi du 13 décembre 2000 institue deux types de documents. Leur procédure d'élaboration a été décentralisée depuis la loi du 7 janvier 1983.

Les schémas de cohérence territoriale (SCOT), qui succèdent au schémas directeurs, ont une visée prospective. Ils se présentent sous la forme d'un rapport qui dresse un diagnostic territorial, présente un projet d'aménagement et de développement durable et fixe des objectifs en matière d'habitat, de développement économique, de transports collectifs, de protection des paysages et de prévention des risques. Ils intègrent des cartes présentant la destination générale des sols et les sites à protéger.

Recouvrant un territoire d'un seul tenant, ils sont élaborés par des communes regroupées dans un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et approuvés après une enquête publique. L'EPCI doit nécessairement se prononcer sur leur révision ou leur maintien en vigueur dans un délai de dix ans après son approbation.

De nombreux documents doivent être compatibles (1) avec le SCOT, à savoir les PLU et les cartes communales, les programmes locaux de l'habitat (PLH), les plans de déplacements urbains (PDU), les plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ainsi que les schémas de développement commercial. Il s'impose également à de nombreuses opérations, telles que les ZAC, les lotissements, les opérations foncières et les autorisations d'exploitation commerciale.

La jurisprudence administrative témoigne d'un contrôle assez souple des obligations de conformité. Cependant, des opérations ont déjà été annulées pour non-respect du zonage (ex : CE 17 décembre 1982 "Chambre d'agriculture de l'Indre") et un schéma directeur a été annulé pour non-respect du principe de précaution (TA de Lille 19 avril 2000 "Fédération Nord Nature").

Les plans locaux d'urbanisme (PLU) sont des documents réglementaires, qui ont succédé aux anciens plans d'occupation des sols. Ils se composent :
  • d'un rapport de présentation, qui démontre la compatibilité du PLU avec les normes supracommunales et comporte une étude d'impact environnemental.
  • d'un projet d'aménagement et de développement durable (PADD). Celui-ci comprend nécessairement des orientations générales, valables pour l'ensemble de la commune, mais il peut aussi contenir des orientations d'aménagement pour certains secteurs, opposables aux travaux et constructions.
  • d'un règlement, constitué de documents graphiques établissant un zonage (2) et d'un document écrit. Ce dernier, s'il est détaillé, peut contenir des prescriptions relatives à l'aspect extérieur des constructions, à la desserte, à la voirie, aux équipements publics, au COS (3).
  • d'annexes telles que la liste des emplacements réservés, des opérations d'utilité publique, des servitudes d'utilité publique, des lotissements, des prescriptions nationales, les plans d'exposition au bruit des aérodromes, les avis des personnes publiques consultées et les observations des associations agrées.

changement de style entre le POS (en haut) et le PLU (en bas). Ce dernier n'effectue pas un simple zonage : il exprime le projet urbain sous une forme plus dynamique.
source : Nantes métropole


Le PLU est approuvé après enquête publique. Les communes rurales peuvent quant à elle se doter de cartes communales, qui contrairement au PLU ne comprennent pas de règlement. Leur territoire est donc soumis au règlement national d'urbanisme.

(1) l'obligation de compatibilité, plus souple que celle de conformité, implique l'absence de contradiction avec les grandes orientations du SCOT
(2) on distingue parmi les zones urbaines : le centre historique (UA), la zone dense à proximité de ce dernier (UB), les zones de plus faible densité (UC), les zones de construction individuelles (UG), les bâtiments en rénovation (UG), l'emprise ferroviaire (UF). Les autres zones peuvent être à urbaniser (AU), agricoles (A) ou naturelles et forestières (N).
(3) le coefficient d'occupation des sols exprime le rapport entre la surface hors oeuvre constructible nette (SHON) (soit la surface brute diminuée de celle des combles, des sous-sol, des balcons, des surfaces non closes et des espaces de stationnement) et la superficie du terrain.

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Le PLU de la communauté urbaine du Grand Lyon et le SCOT de l'agglomération (en cours d'élaboration)
Le PLU de Paris fait actuellement l'objet d'une révision
Le SCOT de l'agglomération de Strasbourg, qui s'applique à un espace transfrontalier

jeudi 19 mars 2009

La politique de la ville

C'est durant les années 70, au moment où se révèlent les impacts négatifs des grands ensembles (1), que naît ce qu'on appelle aujourd'hui la politique de la ville. Mêlant urbanisme, éducation, lutte contre la délinquance, action sociale et économique, elle vise à rénover les quartiers dégradés et intégrer les populations qui y vivent. Un comité interministériel "Habitat et vie sociale" permet à partir de 1977 d'entamer des opérations de rénovation.

Au début des années 1980, des troubles éclatent, ainsi que dans la cité des Minguettes à Vénissieux (été 1981). Une série de rapports (2) débouche alors sur la politique de développement social des quartiers. Environ 150 quartiers font l'objet d'un contrat de plan Etat-région sur la période 1984-1988. Parallèlement à cela sont crées les zones d'éducation prioritaire (1981), les missions locales pour l'emploi des jeunes, les conseils communaux et départementaux de prévention de la violence. Un fonds social urbain a été créé pour financer certaines de ces mesures. Au niveau institutionnel, la politique se dotait d'un Conseil national des villes (force de proposition), d'un Comité interministériel des villes (instance de décision) et d'une instance exécutive, la Délégation interministérielle à la ville (1988). Puis, en 1990, Michel Delebarre est nommé à la tête du premier Ministère de la ville. Il est assisté au niveau local par des sous-préfets chargés de la politique de la ville et dispose de crédits propres à partir de 1994.

Des émeutes continuent cependant à se déclencher à Vaulx-en-Velin (octobre 1990) ou au Val-Fourré à Mantes-la-Jolie (juin 1991). Peu à peu apparaît la nécessité d'une politique à l'échelle de la ville entière. La loi sur la solidarité financière de 1991 attribue aux communes en charge d'un nombre important de logements sociaux une dotation de solidarité urbaine (3). Si les contrats de plan 1989-1993 maintiennent la procédure de développement social des quartiers, ce sont des contrats de ville ou d'agglomération qui sont signés pour les périodes 1994-1999 et 2000-2006. Ces contrats, qui ont pu revêtir la forme d'opérations de renouvellement urbain (ORU) ou de Grands projets urbains / Grands projets de ville plus ambitieux, ont été remplacés par des contrats urbains de cohésion sociale pour la période 2007-2013.

Renouvellement urbain

La loi d'orientation pour la ville de 1991 instaure l'objectif de mixité sociale, que la loi solidarité et renouvellement urbain de 2000 reprend en instaurant un seuil de 20% de logements sociaux (4). Prenant acte d'un rapport critique de la Cour des Comptes, la loi d'orientation et de programmation pour la ville de 2003 infléchit la politique de la ville en lançant un programme de rénovation urbaine dans les ZUS, coordonné par l'ANRU (5).

démolition de la tour Lavoisier à Montereau - "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme" - source : RFI

Insertion professionnelle et développement économique

Le soutien économique à été intégré de manière tardive à la politique de la ville, avec la création des premiers Plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE). Par la suite, le Pacte de relance pour la ville de 1996 a défini des zones urbaines sensibles (ZUS), dont certaines, les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les zones franches urbaines (ZFU) peuvent bénéficier d'avantages économiques (6). Après les émeutes d'octobre-novembre 2005 est votée la loi pour l'égalité des chances de 2006, qui renforce, entre autres mesures, le nombre de ZFU.

Reportage vidéo de 1994 : L'histoire du quartier des Minguettes



(1) la circulaire Guichard limite en 1973 la création d'ensembles de plus de 2000 logements.
(2) rapport Dudebout de la Commission nationale pour le développement social des quartiers, rapport Schwartz sur l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, rapport Bonnemaison de la Commission des maires sur la sécurité
(3) il s'agit désormais de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, dont les modalités de calcul ont été revues : elle accorde ainsi moins d'importance à la présence de ZFU et de logements sociaux sur le territoire de la commune
(4) cette mesure est assortie d'une disposition contraignante : les communes qui n'atteignent pas ce seuil doivent s'acquitter d'une taxe de 152 euros par an et par logement manquant.
(5) un programme de rénovation d'un coût de 30 milliards d'euros a été conduit à partir de 2004. 200 000 logements sociaux doivent être détruits, 200 000 reconstruits et 200 000 restructurés.
(6) les ZRU et les ZFU bénéficient d'exonérations (impôt sur les bénéfices, taxe professionnelle, cotisations sociales, cotisations patronales) et d'aides (au démarrage, à l'investissement...) accordées par un fonds de revitalisation économique géré par la préfecture. Celles-ci peuvent être augmentées dans les entreprises employant plus du tiers de leur personnel dans les ZFU d'une agglomération. Il existe 751 ZUS en France, rassemblant 4,5 millions d'habitants. Aux 44 ZFU d'origine se sont ajoutées 41 ZFU créées par la loi de 2003 et 15 autres créées par la loi de 2006 pour l'égalité des chances. Leur durée de vie a été prolongée jusqu'à la fin de l'année 2011. Les zones prioritaires sont définies en fonction de critères urbains (enclavement, forme urbaine, logement...), économique (taux d'emploi, offre commerciale) et sociaux (réussite scolaire..)

dimanche 15 mars 2009

Paris cherche ses limites - 5

Aujourd'hui, quelle forme administrative pourrait prendre la communauté du Grand Paris ?

Il faut pour cela s'entendre sur plusieurs points. Difficile, tout d'abord, de s'accorder sur un périmètre en particulier dans la mesure où - les travaux de Frédéric Gilli et Paul Chemetov l'ont montré (1) - la métropolisation s'effectue à différentes échelles. Si celle de la région Île-de-France (12 000 km2 dont 80% de territoire rural) semble trop vaste, la définition des zones urbaines fait apparaître un profil éclaté tandis que celle de l'agglomération centrale reste également délicate. Lors de l'élaboration du SDRIF, l'IAURIF a toutefois défini une zone dense regroupant 137 communes (avec les arrondissements parisiens) et 6,6 millions d'habitants. Ce sont des dimensions comparables à celles du Grand Londres (1580 km2, 7,5 millions d'habitants). Mais pour des raisons pratiques, il convient certainement de partir des découpages administratifs existants. Or, le projet de Grand Paris du rapport Dallier s'approche également, de ce seuil, sur le périmètre de la petite couronne (environ 750 km2 et 6,4 millions d'habitants). Toutefois, on peut se demander s'il ne faudrait pas adjoindre à cette entité des équipements tels que l'aéroport de Roissy.

Délicat, ensuite de définir la liste des compétences que pourrait exercer cette communauté. Certes, en se basant sur un sondage réalisé auprès des maires de petite couronne, Philippe Dallier préconise de lui attribuer la charge du transport, du logement, du développement économique et de l'environnement. Mais, comme pour tout ce qui touche à l'administration locale, il importe de délimiter ces compétences par rapport à celles des collectivités locales existantes et de l'Etat.

La question du statut administratif et du financement de cette future communauté soulève enfin de nombreux débats. Faut-il créer fusionner les EPCI existants dans une intercommunalité unique ? Quelle en serait alors la forme : communauté d'agglomération, communauté urbaine, collectivité à statut spécial ? Des élus de banlieues, comme Patrick Braouzec, président de la communauté d'agglomération de Plaine commune, se prononcent pour un modèle polycentrique composé de 7 ou 8 intercommunalités autour de de Paris. Certains experts tempèrent également l'idée qu'il est nécessaire de créer une institution unique à l'échelle de l'agglomération et mettent en avant l'idée d'une complémentarité entre l'Etat, les établissements intercommunaux et les agences techniques (3). De plus, la création d'une communauté du Grand Paris aurait un coût important pour l'Etat, si ce dernier devait lui reverser l'équivalent de la dotation qu'il verse aux communautés urbaines déjà existantes. Elle serait également coûteuse pour les communes et intercommunalités les plus riches, qui, si elles devaient réaligner leur taux d'imposition, pourraient craindre le départ de certaines entreprises. Le modèle du Syndicat mixte Paris métropole, qui rassemble depuis février 2009 75 entités (4), représente peut-être une alternative viable au Grand Paris, dont la réalisation a été suspendue par le Président de la République. Dernier-né de la politique de rapprochement entre Paris et les communes de banlieue, il témoigne de la nécessité d'une approche par étapes. Mais il est trop tôt pour dire s'il représente une forme de gouvernance capable de répondre aux enjeux de la capitale.

(1) Paul Chemetov & Frédéric Gilli, Une région de projets, l'avenir de Paris, juin 2006. Selon que l'on prenne comme critère de centralité la densité d'emploi, la densité de population ou encore le tissu industriel, la zone définie peut aller d'une partie de la petite couronne à tout le bassin parisien. De plus, les densités ne se déploient pas toujours selon un gradient à partir du centre historique : elles sont parfois éclatées (pôles universitaires, nouvelles technologies...).
(2) le coeur d'agglomération a été défini comme "l'ensemble des communes en continuité de bâti avec Paris, qui sont urbanisées (80% d'espaces urbanisés au MOS 1999) et denses (au moins 80 habitants + emplois /ha urbain construit)"
(3) "l'Île-de-France semble pouvoir se passer de pilote, dans la mesure où elle est dotée d'agences - ce qui paradoxalement, lui donne un profil contemporain dans le registre de la gouvernance" - Philippe Estèbe , "L'Île-de-France est-elle un objet de gouvernance ?" paru dans la revue Esprit d'octobre 2008
(4) Fondé à la suite des protocoles d'accords bilatéraux et de la Conférence métropolitaine, qu'il remplace, le syndicat Paris métropole rassemble 54 communes, 15 EPCI, 5 conseils généraux et le Conseil régional d'Île de France.

jeudi 5 mars 2009

Recoller les morceaux : le comité Balladur et le puzzle administratif français

Edouard Balladur - source L'Express

La publication du rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Edouard Balladur a été précédé la semaine dernière d'une grande agitation dans les médias et au sein desdites collectivités locales. Aujourd'hui, son contenu est public et l'on peut se faire sa propre idée du bouleversement annoncé, qui pourrait intervenir dès 2014 si ses orientations sont validées.

La commission Balladur s'est vue confier en septembre 2008 la mission de revoir la recette du millefeuille administratif français, dont la complexité est bien souvent critiquée : trop de niveaux (communes, intercommunalité, canton, pays, département, région, Etat) et des compétences pas toujours bien définies.

En ce qui concerne le premier point, le rapport propose la suppression des cantons et l'organisation d'élections communes aux départements et aux régions (1) d'une part et aux communes et aux intercommunalités d'autre part. Pour ce qui est de la répartition des compétences, il suggère l'attribution de la compétence générale aux communes. Dès lors, la commune serait en charge des équipements de proximité (écoles, crèche...), le département serait spécialisé dans l'action sociale et la région dans le développement économique, la formation professionnelle et l'éducation.

La commission prévoit aussi un plan d'économies, qui consiste notamment à supprimer les services déconcentrés de l'Etat dont les compétences recouvrent celles des collectivités locales. Cependant, ces économies ne seraient pas suffisantes pour couvrir la perte de la taxe professionnelle (8 milliards d'euros) et celle-ci devrait être compensée par un nouvel impôt sur la valeur ajoutée des entreprises et une révision de la base de la taxe foncière.

Enfin, le rapport prévoit des mesures facultatives, à savoir le regroupement volontaire des communes, mais aussi des départements et des régions pour que ces dernières constituent des unités de 4 à 5 millions d'habitant et la création de 11 métropoles, dont le statut leur permettrait d'exercer les compétences sociales du département. Enfin, la commission reprend les recommandations du rapport Dallier en se prononçant pour la fusion des quatre départements et des intercommunalités de Petite couronne au sein du Grand Paris.

(1) une partie seulement de ces "conseillers territoriaux" siégerait à la région

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Le site du Comité pour la réforme des collectivités locales

lundi 2 mars 2009

Paris cherche ses limites - 4

photo prise lors des émeutes de novembre 2005 - source : altermedia.info

Sécurité : un autre enjeu du Grand Paris

Y compris en matière de délinquance, Paris est un carrefour à l'échelle de la région. On constate ainsi que seulement 45% des personnes interpelées dans la capitale en sont originaire. Aussi plusieurs personnalités, à commencer par l'ancien préfet de police de Paris, Pierre Mutz, et son successeur, Michel Gaudin, réclament-elles ouvertement la création d'un poste de préfet de police dont les compétences s'étendraient à Paris et à la Petite couronne.

A l'heure actuelle, la sécurité est en premier lieu l'affaire du maire, placé sous l'autorité administrative du préfet de police. Dans les zones urbaines sensibles et dans les villes de plus de 10 000 habitants, ce dernier préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Cependant, à Paris, c'est la préfecture de police qui détient la compétence générale en matière de sécurité tandis que dans les petites couronnes, l'action des maires est étroitement secondée par celle de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) et celle du préfet de police. Le rapport Dallier, qui évoque une "dispersion des moyens", voit donc d'un oeil favorable la coordination qui s'est effectuée entre les DDSP et les préfets de police et prône une intégration plus poussée avec la création d'un préfet de police du Grand Paris, conformément aux recommandations de Pierre Mitz et Michel Gaudin (1). Parallèlement à cette évolution, le rapport Dallier préconise l'instauration d'une force de police commune aux départements. Outre une simplification administrative, elle aurait pour avantage de ne pas faire peser sur les communes les plus pauvres - qui sont souvent celles où la délinquance est la plus élevée - la charge de son entretien.

(1) Il semble toutefois que le ministère de l'Intérieur, soucieux de ne pas voir émerger un acteur trop puissant, s'oppose aujourd'hui à une telle réforme - cf. Le Point du 1/1/2009

dimanche 1 mars 2009

Paris cherche ses limites - 3

la ZAC de Clichy-Batignolles, comportant près de 200 000 m2 de logements
les opérations d'intérêt métropolitain envisagées par Philippe Dallier pourraient être de cette envergure

Quels seraient les impacts d'un Grand Paris sur la situation du logement ?

Il existe en région parisienne une pénurie de logement, et tout particulièrement de logement social. Les besoins en construction sont estimés à 30 000 logements par an en coeur d'agglomération, dont près d'un tiers de logements sociaux (1).
Depuis 2007, l'Etablissement public foncier de la région Île-de-France a certes considérablement accru l'offre foncière et les possibilités de construction. Mais il ne couvre "que" 20% des besoins (4) et la coordination de son activité n'est pas assurée avec les départements des Hauts-de-Seine et du Val-d'Oise, qui disposent de leurs propres établissements fonciers.
Et, surtout, cet instrument ne garantit pas la construction sur les terrains acquis. En effet, l'attribution du permis de construire reste à l'heure actuelle une prérogative des communes et, comme le remarque Vincent Renard, spécialiste des questions foncières, celles-ci ne sont pas toujours désireuses de construire de nouveaux logements :
"en France, le pouvoir local étant plutôt malthusien au niveau de la commune, c’est au niveau de l’agglomération que l’on peut observer des formes de responsabilisation sur le plan du foncier (...) Ce serait une révolution de transférer le permis de construire au niveau de l’agglomération, comme c’est le cas dans la plupart des pays européens"
Ce transfert se heurterait, on l'imagine, à bien des résistances locales. Si plus de la moitié des maires de petite couronne estiment que le Grand Paris devrait être compétent en matière de logement, seulement 25 % d'entre eux se disent prêts à partager la maîtrise du foncier avec cette nouvelle collectivité (2).
Pour préserver les attributions des communes tout en permettant la réalisations de projets de logements et d'équipements importants, le rapport Dallier propose que la future collectivité du Grand Paris puisse définir des opérations d'intérêt métropolitains, sur le modèle des opérations d'intérêt national (3).
A cet instrument pourraient s'ajouter des mesures réglementaires, telles que celles préconisées par Dominique Perben, dans un rapport sur la métropolisation, à savoir la fixation de seuils de densité minimaux et l'augmentation de la taxe sur le foncier non bâti des terrains constructibles.

(1) Rapport Planchou du Conseil économique régional
(2) Rapport Dallier de l'Observatoire de la décentralisation du Sénat
(3) les OIN déchargent en effet la commune du permis de construire au profit de l'Etat
(4) après augmentation de budget, l'EPFR devrait permettre la construction de 7000 logements par an, soit 20% des objectifs du Schéma directeur sur sa zone d'intervention

Paris cherche ses limites - 2

Une politique des transports cohérente pour la zone dense

Pour 85% des maires de petite couronne (1), la question des transports nécessite une gestion à l'échelle de l'agglomération. Le Syndicat mixte des transports d'Île-de-France (STIF) a déjà permis, à travers des contrats triennaux, une coordination entre les collectivités territoriales d'une part (région, départements et intercommunalités), et les opérateurs d'autre part (SNCF et RATP en tête). Cependant, la politique des transports reste peu intégrée puisque les responsabilités sont aux mains d'une multitude d'acteurs (l'Etat pour les autoroutes et voies rapides, ainsi que les infrastructures ferroviaires, les départements pour les routes nationales, les communes pour le partage de la voirie et les parkings, les entreprises publiques, les opérateurs privés...). C'est le constat du rapport Dallier, qui explique ainsi les retards que prennent les investissements. Selon ce dernier, des projets tels que la liaison orbitale de métro "Métrophérique/Arc express" devraient pouvoir être portés par une institution représentatrice de la zone dense, au nom du principe de subsidiarité. Selon ce même principe, des autorités organisatrices de proximité pourraient être instaurées, pour le ramassage scolaire notamment.
L'institution du Grand Paris devrait permettre d'offrir une politique des transports cohérente dans la zone dense. Le rapport Dallier évoque en effet l'absence de concertation au sujet des parkings, après la limitation du traffic parisien à partir des communes avoisinantes et la construction par les départements d'autoroutes souterraines et de lignes de tramway, au détriment de toute vision globale.
Toutefois, le STIF devrait continuer à jouer un rôle majeur. Ses compétences, actuellement limitées aux transports collectifs, pourraient être étendues au transport individuel sur route et aux taxis, à l'image de Transport for London. Tel est également le souhait de la région, qui soutient la création d'un Syndicat des déplacements d'Ile-de-France.
La politique tarifaire pourrait également être modifiée à l'occasion de cette évolution institutionnelle. Toutefois, on ne sait pas à l'heure actuelle si l'on s'avance vers un système à deux zones (contre sept actuellement), ainsi que le préconise le rapport Dallier ou la tarification "par alvéoles" (en lieu et place d'une tarification radiale) évoquée par le Conseil économique régional.

(1) interrogés lors de la rédaction du rapport de Philippe Dallier