mercredi 20 mai 2009

L'architecture écologique

Une maison passive à Darmstadt

Même si leurs créations ne sont pas éternelles, les architectes ont un grand rôle à jouer vis-à-vis du développement durable. Une preuve en est la floraison de labels, au premier rang desquels figure le célèbre HQE. Que signifient ces derniers et dans quels domaines l'architecture peut-elle exercer un impact positif ?

La qualité environnementale est attestée par les labels suivants :
Efficacité énergétique

En Europe, le secteur du bâtiment représente le principal consommateur d'énergie primaire (40%). Le but principal d'une construction durable est donc de consommer le moins d'énergie possible tout au long de son cycle de vie, et éventuellement d'en produire en surplus. Pour cela, l'architecte peut agir sur un certain nombre de paramètres :
  • L'isolation des combles et des murs permet de réduire la consommation de 10 à 20%. Celle du plancher offre une réduction de 5% en moyenne. L'isolation des fenêtres peut être renforcée grâce à des vitres à rendement, remplies d'un gaz inerte ou recouvertes d'un revêtement spécial. L'étanchéité à l'air doit également être surveillée.
  • Toujours afin de limiter les déperditions d'énergie, la surface d'enveloppe peut être diminuée. Cela impose des contraintes en termes de formes architecturales. Dans certains cas, une partie du bâtiment peut être enfouie sous terre.
  • L'approvisionnement en énergie peut être diversifié afin de laisser une plus grande part aux énergies renouvelables, voire d'assurer l'autonomie énergétique du bâtiment. Ainsi, un chauffe-eau solaire permet de subvenir à plus de 50% des besoins en eau chaude.La filière bois s'avère également prometteuse, dans la mesure où elle offre des rendements élevés. Les éoliennes représentent quant à elles des infrastructures plus lourdes. Cependant, la mise au point d'éoliennes verticales pourrait faciliter leur installation en milieu urbain. L'énergie géothermique permet quant à elle de réguler la température en été et en hiver grâce à des systèmes tels que le puits canadien ou le puits provençal.
  • On peut tenir compte du site pour la disposition des pièces, la localisation des ouvertures (on recommande en moyenne plus de 40% de la surface vitrée sur la surface Sud) et des arbres (les feuillus permettent en effet d'optimiser l'apport énergétique entre l'hiver et l'été).
  • Enfin, il est important de limiter la consommation électrique des appareils ménagers :
Au niveau européen, la directive pour la performance énergétique des bâtiments, en vigueur depuis 2006, vise à réduire la consommation des bâtiments de 20% en 2020 par rapport à 1990. En France, c'est la réglementation thermique 2005 qui en constitue la transposition, avant que la future RT 2010 ne devienne à son tour la norme. Cependant, les bâtiments dépassant les exigences de la RT peuvent voir leur qualité énergétique certifiée par les labels suivants :
  • Haute performance énergétique (HPE) et Très haute performance énergétique (THPE), qui attestent d'une consommation respectivement inférieure de 10% et 20% par rapport à la valeur de la RT.
  • HPE Energies renouvelables signale une proportion d'énergies renouvelables supérieure à 50% pour l'énergie de chauffage et 60% pour l'énergie. Le label THPE Energies renouvelables signale en outre une consommation inférieure de 30% par rapport à une valeur de référence. Son attribution permet un dépassement du COS de 20%.
  • Bâtiment basse consommation, qui fixe une limite de consommation (50kWhEP/m2/an pour les logements neufs, seuil pouvant être atteint en retenant les énergies renouvelables à hauteur de 12kWhEP/m2/an) et des exigences de perméabilité. Pour les bâtiments non résidentiels neufs et rénovés, le seuil de consommation doit être respectivement inférieur de 50% et 40% à la valeur de la RT. L'attribution de ce label permet un dépassement du COS de 20%.
  • le label Maison passive est quant à lui décerné par l'Institut PassivHaus. Il s'applique aux bâtiments nécessitant moins de 15kWh/m2/an de chauffage, consommant moins de 120kWhEP/m2/an (en tenant compte des appareils électroménagers) et répondant à des normes d'étanchéité.
  • le label BEPOS (Bâtiment à énergie positive), encore à l'étude, signalerait qu'un bâtiment produit suffisamment, voire plus d'énergie qu'il n'en consomme.
Gestion de l'eau

Bien que cela ne représente pas toujours un investissement rentable étant donné la modicité du prix de l'eau, les bâtiments écologiques visent à optimiser le circuit de l'eau :
  • de nombreux systèmes de récupération des eaux de pluies peuvent être mis en place, à l'instar des citernes couplées à un groupe hydrophore. Les toitures végétales en favorisent la collecte et la purification.
  • les eaux usées peuvent également être recyclées pour servir à diverses activités (arrosage des plantes, nettoyage, etc...).
  • de plus, des économies d'eau importantes peuvent être obtenues au moyens d'installations telles que les toilettes sèches.
Gestion des déchets

La gestion des déchets dépend en grande partie de la vigilance des usagers. Toutefois, les bâtiments peuvent intégrer dès leur conception un système de tri sélectif et de compostage, ce dernier permettant de valoriser près de 30% des déchets ménagers.

Réduction des gaz à effets de serre

Le secteur du bâtiment est responsable de 20% des émissions de CO2 en Europe. Il est possible de les réduire en recourant à des énergies "propres", non issues de la combustion.

Confort et santé

Si la santé des usagers doit être prise en compte, il faut aussi veiller à ce que le chantier lui-même soit "propre". Pour cela, on peut veiller à limiter les composants dangereux, tels que les composés organiques volatils (COV) et les formaldéhydes présents dans certaines peintures.
En ce qui concerne le confort, les constructions écologiques doivent offrir des aménités comparables aux bâtiments classiques (en terme d'éclairage, de température, d'esthétique...), tout en respectant les impératifs évoqués ci-dessus, ce qui nécessite encore des efforts de recherche.

Choix des matériaux

La vogue de l'architecture durable amène à s'intéresser à une large variété de matériaux. Ainsi, le liège, la fibre de bois, le chanvre et la laine disposent de bonnes propriétés isolantes, comparables à celle de la laine minérale. La paille, le bambou, la toile font également l'objet d'expérimentations. Il apparaît enfin que certains matériaux souffrent d'un bilan énergétique important lors de leur fabrication : il est alors préférable de leur trouver un substitut. Ainsi le parpaing peut-il être avantageusement remplacé par des briques creuses de type monomur. De manière générale, l'usage de matériaux recyclés et recyclables permet d'optimiser le bilan énergétique final des constructions.

Des constructions accessibles à tous ?

Le surcoût d'une maison passive est théoriquement de 7 à 15% avec des matériaux classiques, mais s'établit en fait à 20% dans le cadre d'une démarche environnementale. Le retour sur investissement est estimé entre 10 et 20 ans. Les aides publiques permettent d'en raccourcir le délai : en France, en plus de taux réduits de TVA lors de l'acquisition des équipements, des crédits d'impôts ont été instaurés pour certains équipements(25% à 40% pour l'isolation, 15% pour un groupe hydrophore, 40% pour un plancher solaire, 40% pour un puit canadien...).
On peut également espérer que l'augmentation future de la demande provoque une baisse des coûts. Quelques entreprises du bâtiment ont déjà investi le secteur des constructions écologiques ou de haute qualité énergétique. On peut ainsi citer Ideal Homes (maison zero energy de 150m2 proposées à 200 000$ aux Etats-Unis) ou les maisons Phénix (maison du bon sens de 100m2, labellisées HQE et commercialisées à 125 000 €).

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Habitat passif (Wikipédia)
Programme Cepheus de l'UE soutenant l'habitat passif
Un site consacré à la rénovation écologique
Office canadien de l'efficacité énergétique
Certivéa (certification des bâtiments tertiaires)
Cerqual (certification des logements collectifs)
Cequami (certification des logements individuels)
Promotelec (certification des logements individuels et collectifs)
Association pour la certification des matériaux isolants
Fabricants d'installations solaires : Novi-Case, Imerys, Solar Composites, ...
Fabricants d'éoliennes : Gual industries, ...

jeudi 14 mai 2009

François Ascher, Grand Prix de l'urbanisme 2009

Le Grand Prix de l'urbanisme distingue depuis 1989 le travail de professionnels d'horizons divers. La composition éclectique du jury (élus locaux, journalistes, architectes, paysagistes, aménageurs, administrateurs... dont deux personnalités étrangères) témoigne de l'étendue des compétences que recquiert l'aménagement des villes.

Cette année, il revient pour la première fois à un chercheur en la personne de François Ascher. Une partie importante de la carrière a été consacrée à la prospective (auprès du PUCA, de la DATAR, du centre d'expérimentation du BTP, de l'Institut pour la ville en mouvement...) et à l'enseignement universitaire (à l'Institut français d'urbanisme). Dans Metapolis ou l'avenir des villes (1995), il s'était penché, entre autres, sur l'éclatement spatial des activités urbaines. Avec Les nouveaux compromis urbains. Lexique de la ville plurielle (2008), il a présenté une cinquantaine de questions urbaines et la manière dont elles sont traversées par des exigences " sociales, économiques, environnementales et esthétiques".

lundi 11 mai 2009

Le logement

Lorsqu'on parle de qualité de vie, le logement figure bien évidemment au centre des préoccupations. En témoigne sa place dans le budget des ménages : les Français consacrent en moyenne 25% de leurs revenus aux seuls loyers ou au remboursement de leur emprunt immobilier. Si l'on inclut même les dépenses induites par le logement (impôts locaux, ameublement, frais de transports...), le logement pèse pour la moitié de celui-ci.

Le logement suscite des attentes fortes, que Christian Julienne (1) résume en 10 points :
  • l'accession à la propriété est un souhait majoritaire, partagé par "95% ou plus [des] hommes qui ont décidé de s'intégrer dans une vie familiale, sociale et professionnelle". Etre propriétaire, c'est en effet disposer de plus de droits que le locataire. Seules un petit nombre de personnes y renonceraient, soit qu'elles disposent d'autres sécurités matérielles, soit à l'inverse qu'elles hésitent devant un endettement trop important. Enfin, à l'échelle de la collectivité, la propriété offre de meilleures garanties d'entretien du patrimoine immobilier.
  • la demande locative reste importante, car elle est le fait d'une population mobile (étudiants, jeunes actifs de moins de 34 ans, âge moyen d'accession à la propriété) qui représente 1,7 millions de ménages (soit près de 7% du total). Le marché de la location, pour se développer, nécessite des incitations en faveur des propriétaires (que la longueur des procédures contentieuses incite parfois à garder leur logement vacant) et un allégement des frais de transaction, deux fois plus élevés qu'aux Etats-Unis.
  • un ancrage territorial (racines familiales, intérêt pour la culture locale, ...) que des opérations d'urbanisme de trop grande ampleur risquent de malmener.
  • d'où une demande d'urbanisme "historique et corporel", capable d'oeuvrer avec délicatesse dans les zones de faible densité où s'effectue l'urbanisation. Il s'agit de créer des pôles de centralité tout en ménageant la distinction public/privé au sein de l'unité urbaine de base (10 à 30 familles).
  • parallèlement à ce désir figure celui d'une architecture "douce", classique, qui conserve éventuellement des caractéristiques régionales, qui soit en un mot "habitable" par la majorité des gens. Le modernisme n'en est pas rejeté pour autant mais s'appliquerait mieux aux équipements collectifs.
  • un grand nombre de personnes souhaite habiter dans des maisons. Leur proportion dépasse 35% en région parisienne, 50% dans les agglomérations millionaires et atteint 70% dans celles de plus de 150 000 habitants. L'enquête logement de l'INSEE fait état d'un taux de satisfaction plus élevé chez les habitants de maisons individuelles (87% contre 68% en moyenne), ce qui s'explique par la superficie, la présence d'un jardin, l'environnement immédiat ainsi que l'aspect patrimonial. Cette demande semble a priori incompatible avec l'offre d'espace réduite dans les villes, mais de nouvelles formes d'habitat individuel urbain peuvent être inventées.
  • une "demande de nature associée à une demande de ville". Concilier les deux demande un travail important sur les formes urbaines (balcons, toits-terrasses) et sur les espaces verts. De nombreuses réalisations pourraient servir d'exemple, et Christian Julienne de citer en exemple le programme de coeur de ville du Plessis-Robinson, qui en dépit d'un surcoût de 10%, a trouvé très rapidement acquéreur.
le coeur de ville du Plessis-Robinson (92), lauréat en 2008 du prix Rotthier pour la reconstruction de la ville
  • une demande d'espace : on est passé depuis les années 70 d'une moyenne de 24 à 37m2 par personne. L'existence d'une grande surface habitable est déterminante dans près de la moitié des cas, si l'on en juge par les enquêtes aurpès d'acheteurs potentiels.
  • une demande de modulabilité, en fonction des besoins de ses habitants succesifs. Certains éléments de la maison (garages, terrasses, loggias) se plient assez bien à cette demande. On peut également envisager des formes urbaines facilitant l'extension de l'habitat à mesure que la famille s'agrandit. De même, le désir est grand de personnaliser son logement (peintures, jardin, etc...).
  • des services de proximité à une distance plus ou moins importante : 300m à 1km pour l'école primaire et le commerce de dépannage, 1 à 4km pour le collège, le médecin, les commerces non quotidiens, 4 à 8km pour les centres commerciaux, 8 à 20km pour les déplacements domicile-travail, une distance plus grande étant acceptée dans les agglomérations de Paris, Lyon ou Marseille.
(1) Logement, solutions pour une crise fabriquée, Les Belles Lettres, 2006