dimanche 15 mars 2009

Paris cherche ses limites - 5

Aujourd'hui, quelle forme administrative pourrait prendre la communauté du Grand Paris ?

Il faut pour cela s'entendre sur plusieurs points. Difficile, tout d'abord, de s'accorder sur un périmètre en particulier dans la mesure où - les travaux de Frédéric Gilli et Paul Chemetov l'ont montré (1) - la métropolisation s'effectue à différentes échelles. Si celle de la région Île-de-France (12 000 km2 dont 80% de territoire rural) semble trop vaste, la définition des zones urbaines fait apparaître un profil éclaté tandis que celle de l'agglomération centrale reste également délicate. Lors de l'élaboration du SDRIF, l'IAURIF a toutefois défini une zone dense regroupant 137 communes (avec les arrondissements parisiens) et 6,6 millions d'habitants. Ce sont des dimensions comparables à celles du Grand Londres (1580 km2, 7,5 millions d'habitants). Mais pour des raisons pratiques, il convient certainement de partir des découpages administratifs existants. Or, le projet de Grand Paris du rapport Dallier s'approche également, de ce seuil, sur le périmètre de la petite couronne (environ 750 km2 et 6,4 millions d'habitants). Toutefois, on peut se demander s'il ne faudrait pas adjoindre à cette entité des équipements tels que l'aéroport de Roissy.

Délicat, ensuite de définir la liste des compétences que pourrait exercer cette communauté. Certes, en se basant sur un sondage réalisé auprès des maires de petite couronne, Philippe Dallier préconise de lui attribuer la charge du transport, du logement, du développement économique et de l'environnement. Mais, comme pour tout ce qui touche à l'administration locale, il importe de délimiter ces compétences par rapport à celles des collectivités locales existantes et de l'Etat.

La question du statut administratif et du financement de cette future communauté soulève enfin de nombreux débats. Faut-il créer fusionner les EPCI existants dans une intercommunalité unique ? Quelle en serait alors la forme : communauté d'agglomération, communauté urbaine, collectivité à statut spécial ? Des élus de banlieues, comme Patrick Braouzec, président de la communauté d'agglomération de Plaine commune, se prononcent pour un modèle polycentrique composé de 7 ou 8 intercommunalités autour de de Paris. Certains experts tempèrent également l'idée qu'il est nécessaire de créer une institution unique à l'échelle de l'agglomération et mettent en avant l'idée d'une complémentarité entre l'Etat, les établissements intercommunaux et les agences techniques (3). De plus, la création d'une communauté du Grand Paris aurait un coût important pour l'Etat, si ce dernier devait lui reverser l'équivalent de la dotation qu'il verse aux communautés urbaines déjà existantes. Elle serait également coûteuse pour les communes et intercommunalités les plus riches, qui, si elles devaient réaligner leur taux d'imposition, pourraient craindre le départ de certaines entreprises. Le modèle du Syndicat mixte Paris métropole, qui rassemble depuis février 2009 75 entités (4), représente peut-être une alternative viable au Grand Paris, dont la réalisation a été suspendue par le Président de la République. Dernier-né de la politique de rapprochement entre Paris et les communes de banlieue, il témoigne de la nécessité d'une approche par étapes. Mais il est trop tôt pour dire s'il représente une forme de gouvernance capable de répondre aux enjeux de la capitale.

(1) Paul Chemetov & Frédéric Gilli, Une région de projets, l'avenir de Paris, juin 2006. Selon que l'on prenne comme critère de centralité la densité d'emploi, la densité de population ou encore le tissu industriel, la zone définie peut aller d'une partie de la petite couronne à tout le bassin parisien. De plus, les densités ne se déploient pas toujours selon un gradient à partir du centre historique : elles sont parfois éclatées (pôles universitaires, nouvelles technologies...).
(2) le coeur d'agglomération a été défini comme "l'ensemble des communes en continuité de bâti avec Paris, qui sont urbanisées (80% d'espaces urbanisés au MOS 1999) et denses (au moins 80 habitants + emplois /ha urbain construit)"
(3) "l'Île-de-France semble pouvoir se passer de pilote, dans la mesure où elle est dotée d'agences - ce qui paradoxalement, lui donne un profil contemporain dans le registre de la gouvernance" - Philippe Estèbe , "L'Île-de-France est-elle un objet de gouvernance ?" paru dans la revue Esprit d'octobre 2008
(4) Fondé à la suite des protocoles d'accords bilatéraux et de la Conférence métropolitaine, qu'il remplace, le syndicat Paris métropole rassemble 54 communes, 15 EPCI, 5 conseils généraux et le Conseil régional d'Île de France.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire